Le cercle en quadrature

 

  Patrice Vermeille, né en 1937 à Nancy, a réalisé et réalise toujours une œuvre graphique, dessinée et picturale très particulière où chaque pratique se nourrit de l’autre. Utilisant des techniques anciennes et contemporaines, il propose une vision du monde qui intègre les contraires, pour « se situer en un lieu d’où les divers codes picturaux, depuis le Néo-Classicisme jusqu’au Suprématisme cessent de s’opposer », comme l’énonce avec pertinence, le critique et écrivain surréaliste José Pierre (1927-1999) . Il faudrait évidemment ajouter l’influence de la bande dessinée, incorporée dans son œuvre grâce à une intervisualité sophistiquée et évoquer cette étrange parenté formelle avec l’œuvre de Philippe Druillet. Une réflexion toute personnelle à propos du cosmos imprègne son approche, qualifiable de métaphysique. Cette complexité cultivée interpelle aujourd’hui, car une hybridation active se trouve à l’œuvre grâce à ses multiples points de repère.

 

  Le travail sériel occupe une grande place dans sa production. Ainsi, la série des Nids tourne autour du cercle et de son évolution glissant vers une rotondité proche d’un globe. Cette avancée vers une potentielle totalité (notre monde ou un autre univers) use aussi de références picturales inattendues comme la coupole en caissons du Panthéon à Rome, construite initialement par l’empereur Auguste et bien d’autres édifices italiens plus récents du Baroque. Cet effet de modélisation générale perturbe le regard, car Vermeille joue avec diverses techniques picturales (pinceaux, raclette, graffito, aérographe, etc.) Figures et décors s’entremêlent en un maelström quasi-existentiel. Deux stèles (2017) montre deux visages déconstruits et grimaçants qui semblent terminer chaque stèle rigide et longiligne. La possibilité d’un autre regard s’impose puisque nous ne nous trouvons pas dans un décor figé, mais dans une multitude de possibilités de vues. L’action du futur, entretenu par sa passion pour la science-fiction bouscule les codes de la stabilité et nous emporte vers une circulation moléculaire. Dans cet état de peinture, les personnages qui apparaissent dans Dystopies (2018) flottent dans un espace où les hachures du temps mettent à mal leur intégrité physique. Ces particules définissent un monde flottant où l’indistinct des sexes se mélange à la composition générale du décor. L’interpénétration entre les deux mondes nous amène dans cet espace autre, lié à une dimension primordiale et dont la peinture de l’artiste tente inlassablement de rendre compte.

 

  Patrice Vermeille poursuit tranquillement et inlassablement son travail d’alchimiste contemporain, créateur de mondes improbables et imbriqués, jalons de son interminable Quête.

 

 

 

                                                                                                                            Christian Skimao